J’ai une tendresse particulière pour cette femme affranchie de son temps que fut Odette Bonne. Elle dessina un érotisme voire une pornographie joyeuse, délurée, décomplexée et libre au trait élégant, léger, maîtrisé, souvent colorée qui me réjouit toujours de contempler et de m’en émouvoir surtout chez une de mes consœurs. Il est indéniable que celle-ci aimait la vie et tous ses plaisirs avec une gourmandise non dissimulée qui fait monter un grand sourire de mon cœur à mon ventre.
Elle prit comme pseudonyme celui d’Amandine Doré dit-on pour ses créations sensuelles et celui de Madame *** pour les plus passibles d’offenser les bonnes mœurs des constipé(e)s. Je jurerais presque que ce dernier fut sans doute inspiré par ce très « chair cul t’y est » poème de Verlaine que voici :
À Madame ***
Quand tu m’enserres de tes cuisses
La tête ou les cuisses, gorgeant
Ma gueule de bathes délices
De ton jeune foutre astringent,
Où mordant d’un con à la taille
Juste de tel passe-partout
Mon vit point, très gros, mais canaille
Depuis les couilles jusqu’au bout.
Dans la pinete et la minette
Tu tords ton cul d’une façon
Qui n’est pas d’une femme honnête ;
Et nom de Dieu, t’as bien raison !
Tu me fais des langues fourrées,
Quand nous baisons, d’une longueur,
Et d’une ardeur démesurées
Qui me vont, merde ! au droit du cœur,
Et ton con exprime ma pine
Comme un ours téterait un pis,
Ours bien léché, toison rupine,
Que la mienne a pour fier tapis
Ours bien léché, gourmande et saoûle
Ma langue ici peut l’attester
Qui fit à ton clitoris boule-
de-gomme à ne plus le compter
Bien léché, oui, mais âpre en diable,
Ton con joli, taquin, coquin,
Qui rit rouge sur fond de sable ;
Telles les lèvres d’Arlequin.
Paul Verlaine, Femmes, 1890